mardi 30 mars 2010

L'Ailleurs de tous les possibles....???

"L'Ailleurs doit donc être interprété comme un espace utopique, c'est-à-dire, au sens strict, un "non-lieu", défini comme n'étant plus soumis aux règles sociales de la vie de tous les jours. Sa valeur réside dans une inversion du sens affecté aux limitations concrètes de sa propre vie inscrite dans les rythmes artificiels qui structurent la relation aux lieux. "
La psychosociologie de l'espace, G.N Fischer

vendredi 26 mars 2010

sur les chemins de Baekdusan 3 백두산이야기

III/ Baekdusan comme lieu touristique: « de l'espace regardé à l'espace consommé » (JP Lozato, 1985)

Le paysage est le principal facteur de l'activité touristique: une plage, une montagne, un lac sont devenus des symboles d'activités touristiques. Le paysage touristique passe du statut de décor à celui de nécessité (Lozato J.P, 1985). L'approche concrète du terrain nous amène à considérer Baekdusan comme un espace touristique, puisque la population observée est bel et bien constituée de touristes sud-coréens. Un espace touristique fait le lien entre les représentations et les pratiques de l'espace: les pratiques touristiques vont témoigner des différentes représentations que les touristes coréens ont de la montagne Baekdusan, sans oublier que ces représentations vont s'ajuster en fonction de l'espace.

A. l'espace touristique comme espace représenté: « l'inconnu connu » (Amirou)
Avant d'être pratiqué, l'espace touristique est aussi un espace représenté, un espace imaginé: « les espaces touristiques sont avant tout imaginaires car ils sont achetés loin du lieu de consommation et souvent longtemps à l'avance sans la présence du produit en tant que réalité physique »(Gaïdo cité par Y.André 1998). Les touristes ont une certaine connaissance de l'endroit où ils vont: principalement par le biais des représentations collectives et par celui des images que véhiculent les agences de voyage. Les représentations collectives d'un lieu tel que Baekdusan dont nous avons parlé dans la partie précédente s'enrichissent et se modifient au fil du temps, que cela soit du fait de l'actualité nationale et internationale ou des récits, des impressions, des photos et films que les touristes ramènent de leur voyage. Enfin, l'image du lieu touristique est fortement influencée par l'utilisation qu'en font les agences de voyage. Il va de soit que ces dernières ajustent leur produit selon les besoins et les attentes des touristes, mais elles les influencent aussi en retour. Ainsi des séjours thématiques incluant une visite de Baekdusan sont proposés par les professionnels du tourisme: en effet, même si le voyage a pour destination principale la montagne Changbaishan en Chine, les touristes ont le choix de visiter la capitale chinoise avec des sites touristiques classiques comme la cité interdite ou la grande muraille, ou bien de se rendre sur la rivière Domen (Tumen) ou celle de Amnok (Yalu) qui longent la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, deux rivières qui entrent dans la liste des « territoires disparus ». En faisant le choix de leur séjour, les touristes espèrent faire le voyage qui corresponde à leurs représentations.

B. L'espace touristique comme espace consommé

La visite touristique apparaît donc comme une rencontre entre l'espace réel et l'espace imaginé, selon les représentations antérieures à la pratique dont nous avons traité dans les parties précédentes, doublées des attentes qu'un touriste peut avoir des infrastructures et des facilités qu'offre un site touristique. Les touristes passent donc d'une connaissance sensible ou intellectuelle de l'espace à une connaissance empirique. Pratiquer un espace, c'est une manière de se l'approprier, la prise de possession de l'espace par le touriste est un thème récurrent dans les études sur les pratiques touristiques et leurs effets sur l'espace et la vie locale: « le tourisme est aussi une forme de conditionnement, d'utilisation et finalement d'appropriation de l'espace »(O.Lazzarotti, 1994).
La pratique la plus courante et commune à tout touriste est bien la contemplation: regarder, admirer les monuments, la vie locale, les paysages, etc. Le touriste voyage pour voir, armé d'un matériel indispensable : l'appareil photo, qui prolonge ce regard porté sur le lieu touristique. Le touriste est consommateur d'images et son expérience de l'espace, cet espace déjà connu avant d'être pratiqué, prend la forme d'une vérification: vérifier que l'image récurrente de Baekdusan dans les représentations collectives est bien la même en « vrai ». Ceci expliquerait pour l'équipe MIT (2002) la prise de la même photo, sous le même angle, des principaux lieux touristiques. La photo est une « appropriation symbolique de l'image », le touriste cherche à « posséder l'image pour s'approprier le monde » (Berque, 1995). Si l'on considère Baekdusan comme paysage, prendre une photo relèverait comme dit Michel Conan (1994, Sous la direction d'A. Berque) « d'une certaine conception historique de la beauté ». Mais si l'on considère Baekdusan par ses valeurs développées dans la première partie de ce protocole, on peut se demander en quoi cette pratique de l'espace n'est pas une manière pour ces touristes coréens de le revendiquer. Il y a une valeur symbolique dans la pratique-même de l'espace. Paradoxalement, les frontières sont des lieux où les peuples sont les plus proches physiquement, en se rendant sur Baekdusan, les touristes sud-coréens opèrent un rapprochement avec le nord. Les pratiques pourront alors renvoyer à une forme de pèlerinage tel qu'on peut le voir dans des hauts-lieux, elles pourront aussi s'apparenter à n'importe quelle randonnée en montagne, à la découverte d'un paysage grandiose, souvent très codifiés. Enfin, il s'agira peut-être aussi de pratiques touristiques standardisées, telles qu'on les retrouve sur n'importe quel site.

C. l'espace touristique comme espace aménagé

Comme le montre J-P Lozato (1985) entre autres, « les paysages touristiques (…) sont avidement regardés mais aussi profondément aménagés pour être mieux regardés »: l'aménagement d'un paysage se fera selon des normes esthétiques et culturelles, selon une certaine conception du paysage. Cette interrelation entre espace et représentations ne se limite pas au cas du paysage, il en est de même pour un espace vécu, un lieu touristique, etc. L'homme organise son espace selon les représentations qu'il en a. Un slogan révolutionnaire maoïste dictait: « il faut forcer la montagne à donner des céréales ». Quelques siècles plus tôt, un poète chinois Chen Renxi, cité par Berque(1995) disait: « ils ne virent que dans l'enveloppe corporelle de ces monts,et non leur âme. Quelle honte! Si c'est cela, se promener sur une montagne, autant ne pas s'y promener! ». Quelles que soient les représentations antérieures de la montagne, sa valeur de paysage ou d'espace sacré, c'est bel et bien la représentation du moment, du groupe dominant qui possède officiellement le territoire, qui viendra modifier l'espace. Dans son article « Les impacts anthropiques dans les parcs nationaux chinois: approche géographique », Guillaume Giroir (2007) note:« la déforestation et le remplacement des anciennes forêts de pins de Corée par des plantations à croissance rapide au sein du parc national de Changbaishan (…) a contribué, avec le braconnage, au déclin du tigre de Sibérie ». Baekdusan est un lieu de mémoire, à forte valeur identitaire pour les Coréens mais situé en Chine, la présence d'une station de ski, ou d'autres infrastructures touristiques correspond-elle à la représentation que se font (se faisaient) les touristes coréens de cette montagne?
Tout comme les touristes sud-coréens qui ne sont encore jamais allés sur Baekdusan, notre connaissance du terrain est issue de lectures ou de récits que nous avons pu lire ou entendre, sa pratique concrète nous permettra certainement d'avoir une vision plus juste de l'aspect touristique de la montagne. Avec cette dernière partie, le lien est fait pour présenter la problématique de ces recherches.
pour citer cet article ou me contacter: lilinari1979@yahoo.fr

sur les chemins de Baekdusan 2 백두산이야기

II/ Baekdusan comme paysage

Sans connaître l'histoire et l'importance de Baekdusan pour les Coréens, le premier jugement qui se fait sur une montagne est souvent d'ordre esthétique. La simple interjection: « regarde, c'est beau! », comme le souligne l'équipe MIT (2002), témoigne d'une transmission de valeurs esthétiques d'un groupe, de « l'inter-subjectivité d'une certaine communauté », d'un « voir-comme »(A.Berque, 1996). Observer et apprécier un espace naturel relève là encore d'un rapport sensible de l'homme à son environnement, rapport profondément ancré dans l'identité culturelle du groupe, construit par un certain nombre de représentations.

A. Théorie du paysage

La théorie du paysage, amorcée par Alain Roger dans les années 80, s'attache à définir une des facettes de l'ensemble des représentations du territoire. Elle prend pour premier postulat que « le paysage, à la différence de l'environnement physique, n'a pas toujours existé »(A.Berque, 1996): il est le fait de la société, et plus précisément de certaines sociétés dites de « culture paysagère » qui répondent à quatre conditions énoncées par A. Berque (1995). Cette théorie suppose donc une dualité de l'espace: une réalité physique, objective, et une réalité sensible, subjective. L'étude paysagère consiste par conséquent à prendre la mesure des deux dimensions de l'espace. Le paysage est à la fois « écologique et symbolique » (A. Berque, 1995). La culture chinoise avec celles de ses pays voisins (Corée, Japon), toujours selon Berque, sont les premières cultures paysagères à apparaître, elles ont développé un rapport avec l'espace naturel différent de celui du monde occidental. Cette théorie du paysage nous intéresse donc particulièrement puisqu'elle nous permet d'avoir une nouvelle approche de l'espace Baekdusan selon les représentations que peuvent s'en faire les Coréens.


B. Le paysage « à la chinoise »: la montagne comme motif principal.

Considérer Baekdusan comme un paysage, c'est avant tout la considérer d'un point de vue artistique: Alain Roger (1994, sous la direction d'A.Berque) introduit en effet la notion d' « artialisation »pour signifier que tout paysage est un produit de l'art. Mais alors que la culture paysagère occidentale débute avec la représentation d'un paysage par l'art pictural, la culture paysagère « à la chinoise » crée tout un imaginaire autour du paysage par la littérature: le fond a précédé la forme. La représentation d'une montagne en peinture prendra sa valeur non pas de sa qualité esthétique, mais de l'intention, de l'imaginaire qu'elle a pu recréer, d'où l'importance des espaces vides dans les peintures traditionnelles coréennes. Une montagne, des sommets, restent de l'ordre du sacré, du dissimulé, c'est pourquoi les montagnes sont les demeures des sages et des esprits divins, c'est pourquoi la naissance de Tan'gun, fondateur mythique du peuple coréen, a été située sur une montagne. Une dernière anecdote nous montre l'importance de l'imaginaire dans la constitution d'un paysage: à la légende de Tan'gun vient en effet s'ajouter celle d'un monstre marin, qui vivrait dans les eaux glaciales du lac céleste, situé au centre de la montagne. Connaître le sens d'un paysage tel qu'une montagne dans l'imaginaire coréen nous permettra donc peut-être de comprendre certaines pratiques: gravir une montagne tiendra de l'ordre esthétique d'une appréciation d'un beau paysage, autant que de l'ordre d'un parcours spirituel. La dimension collective du paysage va aussi déterminer un certain nombre de pratiques: ce paysage « empreint de sociabilité » (Berque, 1995) se fête, c'est pourquoi nous avons pu remarquer que les randonnées en montagne en Corée ne relevaient pas comme elles pouvaient l'être pour nous d'actes attentifs au silence et à la beauté de la montagne. Le paysage se célèbre et l'alcool est bien souvent présent à la fête.
Il sera donc intéressant de voir sur le terrain comment la liesse générale d'une randonnée en montagne se mariera à l'émotion d'un haut-lieu symbole de réunification.
Pour citer cet article ou me contacter:
lilinari1979@yahoo.fr

Le vent jaloux


Je me souviens de la deuxième fois que j'ai mis le pied en Corée, en Mars. La première chose qu'on m'a dite c'est : "le vent froid de l'hiver souffle encore fort, il est jaloux des fleurs du printemps".

mercredi 24 mars 2010

C'était donc ça, la France

C’était donc ça la France….

La publicité, les mails publicitaires, la TV, entourée de cette consommation à outrance dont j’avais été protégée finalement pendant 6 ans. Même si j’avais la sensation de dépenser de l’argent, je n’en avais pas la tentation. Parce qu’il n’y avait pas de « désir de posséder » un produit dont on me matraquait par l’image. Ici, on nous pousse à désirer toujours plus, on nous donne l’illusion que les autres ont tout, et nous rien. Alors on s’endette pour atteindre cet idéal de confort de hi-tech que l’on pense être la norme de notre société. Mais les publicités ne s’arrêtent jamais et se renouvellent à la même cadence que leurs produits. Des produits à posséder, consommer, avaler, ingurgiter….mais qu’on ne digère pas.

Et dans tous les pays c’est la même chose, détrompez vous. Seulement, en tant qu’étrangère peut-être, j’étais épargnée par les messages publicitaires, parce que je n’y faisais pas attention, parce que mes regards étaient tournés ailleurs, parce que je cherchais l’authenticité du pays et de ses habitants, l’authenticité d’un bonheur, finalement. Ce que je voyais et vivais me suffisait, ce que je possédais me suffisait.

Des exigences vestimentaires aux exigences technologiques et de confort qu’on nous soumet, comme conditions à notre existence….(mais qui est « on » ?).

J’ai peur de ce nouveau monde qui contrôle ma vie. Contrôle par les images et par les pressions financières, les utilisations abusives de mes ressources, de mon énergie et de ma vie. l’entrée abusive dans mon existence en me poussant à faire des choses que je n’ai pas décidées. France, pays de liberté ?

Liberté de se battre, mais s’il faut se battre, c’est qu’il y a un ennemi, et donc pas d’égalité, ni de fraternité.

Pays en dérive sous le joug d’un prestige éteint, pays qui court après ses châteaux, aux envies de grandeur et de luxe, qui fait miroiter ses dorures à l’étranger et qui donne de la merde à son peuple.

 
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