mardi 13 avril 2010

Sacs bar 6




un sac une histoire, compagnon de voyage, Pékin hiver 2006

Sacs bar 5




Un sac une histoire, un compagnon de voyage
Pékin, hiver 2008

Sacs bar 4



Un sac une histoire, compagnon de voyage.
Séoul Hongdae, Septembre 2006

sacs bar 3


Un sac une histoire
Séoul,Hongdae, 2008

Sacs bar 2


un sac une histoire, de Mongolie, cadeau d'Anne, Pékin,Février 2007

Sacs Bar 1


Séoul 2006
coup de projecteur sur les sacs des placards
Un sac, une histoire

mardi 30 mars 2010

L'Ailleurs de tous les possibles....???

"L'Ailleurs doit donc être interprété comme un espace utopique, c'est-à-dire, au sens strict, un "non-lieu", défini comme n'étant plus soumis aux règles sociales de la vie de tous les jours. Sa valeur réside dans une inversion du sens affecté aux limitations concrètes de sa propre vie inscrite dans les rythmes artificiels qui structurent la relation aux lieux. "
La psychosociologie de l'espace, G.N Fischer

vendredi 26 mars 2010

sur les chemins de Baekdusan 3 백두산이야기

III/ Baekdusan comme lieu touristique: « de l'espace regardé à l'espace consommé » (JP Lozato, 1985)

Le paysage est le principal facteur de l'activité touristique: une plage, une montagne, un lac sont devenus des symboles d'activités touristiques. Le paysage touristique passe du statut de décor à celui de nécessité (Lozato J.P, 1985). L'approche concrète du terrain nous amène à considérer Baekdusan comme un espace touristique, puisque la population observée est bel et bien constituée de touristes sud-coréens. Un espace touristique fait le lien entre les représentations et les pratiques de l'espace: les pratiques touristiques vont témoigner des différentes représentations que les touristes coréens ont de la montagne Baekdusan, sans oublier que ces représentations vont s'ajuster en fonction de l'espace.

A. l'espace touristique comme espace représenté: « l'inconnu connu » (Amirou)
Avant d'être pratiqué, l'espace touristique est aussi un espace représenté, un espace imaginé: « les espaces touristiques sont avant tout imaginaires car ils sont achetés loin du lieu de consommation et souvent longtemps à l'avance sans la présence du produit en tant que réalité physique »(Gaïdo cité par Y.André 1998). Les touristes ont une certaine connaissance de l'endroit où ils vont: principalement par le biais des représentations collectives et par celui des images que véhiculent les agences de voyage. Les représentations collectives d'un lieu tel que Baekdusan dont nous avons parlé dans la partie précédente s'enrichissent et se modifient au fil du temps, que cela soit du fait de l'actualité nationale et internationale ou des récits, des impressions, des photos et films que les touristes ramènent de leur voyage. Enfin, l'image du lieu touristique est fortement influencée par l'utilisation qu'en font les agences de voyage. Il va de soit que ces dernières ajustent leur produit selon les besoins et les attentes des touristes, mais elles les influencent aussi en retour. Ainsi des séjours thématiques incluant une visite de Baekdusan sont proposés par les professionnels du tourisme: en effet, même si le voyage a pour destination principale la montagne Changbaishan en Chine, les touristes ont le choix de visiter la capitale chinoise avec des sites touristiques classiques comme la cité interdite ou la grande muraille, ou bien de se rendre sur la rivière Domen (Tumen) ou celle de Amnok (Yalu) qui longent la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, deux rivières qui entrent dans la liste des « territoires disparus ». En faisant le choix de leur séjour, les touristes espèrent faire le voyage qui corresponde à leurs représentations.

B. L'espace touristique comme espace consommé

La visite touristique apparaît donc comme une rencontre entre l'espace réel et l'espace imaginé, selon les représentations antérieures à la pratique dont nous avons traité dans les parties précédentes, doublées des attentes qu'un touriste peut avoir des infrastructures et des facilités qu'offre un site touristique. Les touristes passent donc d'une connaissance sensible ou intellectuelle de l'espace à une connaissance empirique. Pratiquer un espace, c'est une manière de se l'approprier, la prise de possession de l'espace par le touriste est un thème récurrent dans les études sur les pratiques touristiques et leurs effets sur l'espace et la vie locale: « le tourisme est aussi une forme de conditionnement, d'utilisation et finalement d'appropriation de l'espace »(O.Lazzarotti, 1994).
La pratique la plus courante et commune à tout touriste est bien la contemplation: regarder, admirer les monuments, la vie locale, les paysages, etc. Le touriste voyage pour voir, armé d'un matériel indispensable : l'appareil photo, qui prolonge ce regard porté sur le lieu touristique. Le touriste est consommateur d'images et son expérience de l'espace, cet espace déjà connu avant d'être pratiqué, prend la forme d'une vérification: vérifier que l'image récurrente de Baekdusan dans les représentations collectives est bien la même en « vrai ». Ceci expliquerait pour l'équipe MIT (2002) la prise de la même photo, sous le même angle, des principaux lieux touristiques. La photo est une « appropriation symbolique de l'image », le touriste cherche à « posséder l'image pour s'approprier le monde » (Berque, 1995). Si l'on considère Baekdusan comme paysage, prendre une photo relèverait comme dit Michel Conan (1994, Sous la direction d'A. Berque) « d'une certaine conception historique de la beauté ». Mais si l'on considère Baekdusan par ses valeurs développées dans la première partie de ce protocole, on peut se demander en quoi cette pratique de l'espace n'est pas une manière pour ces touristes coréens de le revendiquer. Il y a une valeur symbolique dans la pratique-même de l'espace. Paradoxalement, les frontières sont des lieux où les peuples sont les plus proches physiquement, en se rendant sur Baekdusan, les touristes sud-coréens opèrent un rapprochement avec le nord. Les pratiques pourront alors renvoyer à une forme de pèlerinage tel qu'on peut le voir dans des hauts-lieux, elles pourront aussi s'apparenter à n'importe quelle randonnée en montagne, à la découverte d'un paysage grandiose, souvent très codifiés. Enfin, il s'agira peut-être aussi de pratiques touristiques standardisées, telles qu'on les retrouve sur n'importe quel site.

C. l'espace touristique comme espace aménagé

Comme le montre J-P Lozato (1985) entre autres, « les paysages touristiques (…) sont avidement regardés mais aussi profondément aménagés pour être mieux regardés »: l'aménagement d'un paysage se fera selon des normes esthétiques et culturelles, selon une certaine conception du paysage. Cette interrelation entre espace et représentations ne se limite pas au cas du paysage, il en est de même pour un espace vécu, un lieu touristique, etc. L'homme organise son espace selon les représentations qu'il en a. Un slogan révolutionnaire maoïste dictait: « il faut forcer la montagne à donner des céréales ». Quelques siècles plus tôt, un poète chinois Chen Renxi, cité par Berque(1995) disait: « ils ne virent que dans l'enveloppe corporelle de ces monts,et non leur âme. Quelle honte! Si c'est cela, se promener sur une montagne, autant ne pas s'y promener! ». Quelles que soient les représentations antérieures de la montagne, sa valeur de paysage ou d'espace sacré, c'est bel et bien la représentation du moment, du groupe dominant qui possède officiellement le territoire, qui viendra modifier l'espace. Dans son article « Les impacts anthropiques dans les parcs nationaux chinois: approche géographique », Guillaume Giroir (2007) note:« la déforestation et le remplacement des anciennes forêts de pins de Corée par des plantations à croissance rapide au sein du parc national de Changbaishan (…) a contribué, avec le braconnage, au déclin du tigre de Sibérie ». Baekdusan est un lieu de mémoire, à forte valeur identitaire pour les Coréens mais situé en Chine, la présence d'une station de ski, ou d'autres infrastructures touristiques correspond-elle à la représentation que se font (se faisaient) les touristes coréens de cette montagne?
Tout comme les touristes sud-coréens qui ne sont encore jamais allés sur Baekdusan, notre connaissance du terrain est issue de lectures ou de récits que nous avons pu lire ou entendre, sa pratique concrète nous permettra certainement d'avoir une vision plus juste de l'aspect touristique de la montagne. Avec cette dernière partie, le lien est fait pour présenter la problématique de ces recherches.
pour citer cet article ou me contacter: lilinari1979@yahoo.fr

sur les chemins de Baekdusan 2 백두산이야기

II/ Baekdusan comme paysage

Sans connaître l'histoire et l'importance de Baekdusan pour les Coréens, le premier jugement qui se fait sur une montagne est souvent d'ordre esthétique. La simple interjection: « regarde, c'est beau! », comme le souligne l'équipe MIT (2002), témoigne d'une transmission de valeurs esthétiques d'un groupe, de « l'inter-subjectivité d'une certaine communauté », d'un « voir-comme »(A.Berque, 1996). Observer et apprécier un espace naturel relève là encore d'un rapport sensible de l'homme à son environnement, rapport profondément ancré dans l'identité culturelle du groupe, construit par un certain nombre de représentations.

A. Théorie du paysage

La théorie du paysage, amorcée par Alain Roger dans les années 80, s'attache à définir une des facettes de l'ensemble des représentations du territoire. Elle prend pour premier postulat que « le paysage, à la différence de l'environnement physique, n'a pas toujours existé »(A.Berque, 1996): il est le fait de la société, et plus précisément de certaines sociétés dites de « culture paysagère » qui répondent à quatre conditions énoncées par A. Berque (1995). Cette théorie suppose donc une dualité de l'espace: une réalité physique, objective, et une réalité sensible, subjective. L'étude paysagère consiste par conséquent à prendre la mesure des deux dimensions de l'espace. Le paysage est à la fois « écologique et symbolique » (A. Berque, 1995). La culture chinoise avec celles de ses pays voisins (Corée, Japon), toujours selon Berque, sont les premières cultures paysagères à apparaître, elles ont développé un rapport avec l'espace naturel différent de celui du monde occidental. Cette théorie du paysage nous intéresse donc particulièrement puisqu'elle nous permet d'avoir une nouvelle approche de l'espace Baekdusan selon les représentations que peuvent s'en faire les Coréens.


B. Le paysage « à la chinoise »: la montagne comme motif principal.

Considérer Baekdusan comme un paysage, c'est avant tout la considérer d'un point de vue artistique: Alain Roger (1994, sous la direction d'A.Berque) introduit en effet la notion d' « artialisation »pour signifier que tout paysage est un produit de l'art. Mais alors que la culture paysagère occidentale débute avec la représentation d'un paysage par l'art pictural, la culture paysagère « à la chinoise » crée tout un imaginaire autour du paysage par la littérature: le fond a précédé la forme. La représentation d'une montagne en peinture prendra sa valeur non pas de sa qualité esthétique, mais de l'intention, de l'imaginaire qu'elle a pu recréer, d'où l'importance des espaces vides dans les peintures traditionnelles coréennes. Une montagne, des sommets, restent de l'ordre du sacré, du dissimulé, c'est pourquoi les montagnes sont les demeures des sages et des esprits divins, c'est pourquoi la naissance de Tan'gun, fondateur mythique du peuple coréen, a été située sur une montagne. Une dernière anecdote nous montre l'importance de l'imaginaire dans la constitution d'un paysage: à la légende de Tan'gun vient en effet s'ajouter celle d'un monstre marin, qui vivrait dans les eaux glaciales du lac céleste, situé au centre de la montagne. Connaître le sens d'un paysage tel qu'une montagne dans l'imaginaire coréen nous permettra donc peut-être de comprendre certaines pratiques: gravir une montagne tiendra de l'ordre esthétique d'une appréciation d'un beau paysage, autant que de l'ordre d'un parcours spirituel. La dimension collective du paysage va aussi déterminer un certain nombre de pratiques: ce paysage « empreint de sociabilité » (Berque, 1995) se fête, c'est pourquoi nous avons pu remarquer que les randonnées en montagne en Corée ne relevaient pas comme elles pouvaient l'être pour nous d'actes attentifs au silence et à la beauté de la montagne. Le paysage se célèbre et l'alcool est bien souvent présent à la fête.
Il sera donc intéressant de voir sur le terrain comment la liesse générale d'une randonnée en montagne se mariera à l'émotion d'un haut-lieu symbole de réunification.
Pour citer cet article ou me contacter:
lilinari1979@yahoo.fr

Le vent jaloux


Je me souviens de la deuxième fois que j'ai mis le pied en Corée, en Mars. La première chose qu'on m'a dite c'est : "le vent froid de l'hiver souffle encore fort, il est jaloux des fleurs du printemps".

mercredi 24 mars 2010

C'était donc ça, la France

C’était donc ça la France….

La publicité, les mails publicitaires, la TV, entourée de cette consommation à outrance dont j’avais été protégée finalement pendant 6 ans. Même si j’avais la sensation de dépenser de l’argent, je n’en avais pas la tentation. Parce qu’il n’y avait pas de « désir de posséder » un produit dont on me matraquait par l’image. Ici, on nous pousse à désirer toujours plus, on nous donne l’illusion que les autres ont tout, et nous rien. Alors on s’endette pour atteindre cet idéal de confort de hi-tech que l’on pense être la norme de notre société. Mais les publicités ne s’arrêtent jamais et se renouvellent à la même cadence que leurs produits. Des produits à posséder, consommer, avaler, ingurgiter….mais qu’on ne digère pas.

Et dans tous les pays c’est la même chose, détrompez vous. Seulement, en tant qu’étrangère peut-être, j’étais épargnée par les messages publicitaires, parce que je n’y faisais pas attention, parce que mes regards étaient tournés ailleurs, parce que je cherchais l’authenticité du pays et de ses habitants, l’authenticité d’un bonheur, finalement. Ce que je voyais et vivais me suffisait, ce que je possédais me suffisait.

Des exigences vestimentaires aux exigences technologiques et de confort qu’on nous soumet, comme conditions à notre existence….(mais qui est « on » ?).

J’ai peur de ce nouveau monde qui contrôle ma vie. Contrôle par les images et par les pressions financières, les utilisations abusives de mes ressources, de mon énergie et de ma vie. l’entrée abusive dans mon existence en me poussant à faire des choses que je n’ai pas décidées. France, pays de liberté ?

Liberté de se battre, mais s’il faut se battre, c’est qu’il y a un ennemi, et donc pas d’égalité, ni de fraternité.

Pays en dérive sous le joug d’un prestige éteint, pays qui court après ses châteaux, aux envies de grandeur et de luxe, qui fait miroiter ses dorures à l’étranger et qui donne de la merde à son peuple.

mercredi 10 février 2010

Sur les chemins de Baekdusan 1 백두산이야기


Baekdusan multiple: Baekdusan comme montagne, paysage,lieu touristique,haut-lieu fondateur de l'identité coréenne...Baekdusan symbole de réunification.
"동해물과 백두산이 마르고 닳도록
Jusqu'à ce que s'assèche la mer de l'Est et que Baekdusan s'use
하느님이 보우하사 우리나라 만세
Le Ciel nous protègera , vive notre pays!"

Ces deux lignes écrites en 1896 sont les premières de l'hymne national sud-coréen adopté en 1948. En 1896, la Corée est une, en 1948 elle se sépare: si j'ai choisi d'introduire ce second protocole par les mêmes lignes que le premier, c'est que leur pertinence me semble encore plus évidente maintenant que mes recherches ont avancé. En effet, si l'on replace ces deux dates dans leur contexte historique, deux interprétations peuvent être avancées: l'une est de considérer qu'en 1896 la Corée était déjà sous domination japonaise, puisqu'en 1894 est signé un traité militaire entre la Corée et le Japon, quelques années plus tard, en 1910, le Japon annexe la péninsule coréenne. Cette occupation japonaise suscite des protestations, des mouvements nationalistes qui cherchent à affirmer ou réaffirmer l'identité coréenne à travers notamment des slogans et des chansons, telle que celle qui deviendra plus tard l'hymne national coréen où se retrouve l'évocation de la patrie comme territoire uni et menacé. L'autre interprétation, liée à la première, s'attache à la date de 1948, qui correspond à la création de l'état Sud-coréen, en d'autres termes, à la séparation des deux Corées: pourquoi choisir un hymne national évoquant une montagne (Baekdusan) qui n'appartient plus au territoire national?
Les deux premières lignes de l'hymne national coréen soulève donc les points essentiels que nous souhaitons aborder dans notre sujet de recherche: elles montrent la forte valeur identitaire d'un espace géographique qui sert d'outil de revendication face aux menaces de domination, et elles témoignent d'une représentation collective du territoire qui est toujours d'actualité en Corée du sud, à savoir celle d'une Corée réunifiée.

I/ D'un territoire représenté à une montagne prise comme symbole identitaire: Baekdusan comme frontière ou comme pont?

Comment un lieu devient-il un symbole identitaire pour toute une nation? Comment un espace est-il approprié par des groupes pour faire partie de leur territoire, réel ou imaginaire? Tel que le montre Guy Di Méo(Les territoires du quotidien, 1996, p.40):l'appropriation se fait par une série de processus complexes « à la fois économique, idéologique et politique (…) par des groupes qui se donnent une représentation particulière d'eux-mêmes, de leur histoire »et, faudrait-il ajouter, de leur espace. Baekdusan n'a pas toujours figuré sur les cartes coréennes, elle n'a pas toujours été non plus une frontière, et elle n'a pas toujours été un symbole pour le peuple coréen. Cette évolution s'explique par l'instabilité des frontières nationales, les conflits frontaliers mais aussi par une certaine représentation du territoire national: « l'espace devient territoire lorsque lui est affecté du sens »(Yves André, 1998). Avant de considérer cette évolution et l'utilisation des cartes et de la géographie traditionnelle coréenne à des fins de revendications identitaires nationales dans l'histoire de la Corée et de nos jours, ainsi que l'apparition de Baekdusan comme haut-lieu, il nous semble important de faire le point sur la notion de représentation collective.

A. Perception et représentations de l'espace
Pour chaque individu, la perception d'un espace ne se fait pas de manière directe. En effet, le rapport à l'espace se fait sur la base de la nécessité pour l'homme de s'adapter à l'environnement qui l'entoure, « il faut s'y ajuster, s'y conduire, le maîtriser intellectuellement ou physiquement, identifier et résoudre les problèmes qu'il pose. C'est pourquoi nous fabriquons des représentations »(Jodelet, 1993). Quand ces représentations, ces codes permettant de décrypter l'environnement, sont partagés par une même société ou un groupe, ce sont des représentations collectives.
La géographie se divise en général en trois domaines: la nature de l'environnement, la perception et la représentation du milieu et enfin l'action humaine qui modifie son espace (Jean-pierre Paulet, 2002). Parler de représentation en géographie signifie baser sa réflexion et ses recherches sur le rapport sensible de l'homme avec son environnement, c'est l'idée « que l'espace des hommes n'est pas objectif, ni rationnel (…): il est une reconstruction mentale »(Yves André, 1998). Ainsi, la perception se distingue de la représentation en tant qu'elle est une observation vécue et immédiate: la perception est en fait la base sur laquelle viennent se fixer les représentations. On ne peut percevoir un objet qu'en sa présence, contrairement au processus de représentation qui permet d'évoquer des objets mêmes si ceux-ci ne sont pas perceptibles. Distinguer perception et représentation sous-entend qu'il existe un espace réel et un espace représenté, à travers des « filtres » ou des « grilles de lecture » (Claval, 2003). Cette distinction soulève une difficulté insurmontable pour le géographe à la recherche de la réalité d'un espace, puisque d'après cette théorie ce que le chercheur perçoit lui-même est filtré par ses représentations. D'autres théories telles que les conceptions idéalistes quant à elles nient l'existence-même de l'espace indépendamment du processus intellectuel, dont la «logique transcendantale » de Kant. Yves André préfère considérer que la représentation « se nourrit du réel et de l'imaginaire, elle 'est' le réel et l'imaginaire, il y a toujours de l'un dans l'autre ». Les représentations collectives sont donc des connaissances communes sur le monde, une façon de concevoir l'espace que partage une même société ou un même groupe, « des créations sociales (...)de schémas pertinents du réel », (Guérin, 1989 cité par Y.André 1998) pour citer la définition « officielle » de ce concept. Les représentations collectives font par conséquent parti du processus de construction identitaire d'un groupe: l'appartenance à un groupe se définira aussi par des représentations communes de l'espace.
Notre travail de recherche s'appuie sur des représentations collectives de la montagne Baekdusan par des Sud-coréens: l'emploi de l'article indéfini « des » nous permet de souligner la nature non-exhaustive de ces recherches. Les parties B et C se basent sur les représentations collectives des sud-coréens de la montagne les plus répandues, ou du moins les mieux diffusées en Corée et au niveau international.

B. Reconstruire le passé en partant du présent (Halbwachs): représentation du territoire et construction d'une nation
« Le territoire résulte (…) de l'appropriation collective de l'espace par un groupe »(Claval, 1995), cette appropriation se fait d'un point de vue politique, social et symbolique. Par ailleurs, poser la question du territoire national coréen renvoie à celle de l'identité nationale: « il ne peut y avoir d'identité sans référent spatial, réel ou imaginaire »(Claval, 1995). Sans espace, pas d'identité; et sans identité, pas de territoire. Ainsi, l'identité coréenne se construit sur la base entre autre d'une représentation collective et symbolique d'un territoire commun. Cette représentation se construit quant à elle en référence au passé, à une mémoire collective. Or, la mémoire collective, comme nous le dit Halbwachs (1950), « procède à des relectures de l'histoire selon les nécessités du passé »: si Baekdusan existe donc de nos jours comme symbole dans la mémoire collective coréenne, c'est que des choix ont été faits. Ce sont en particulier les représentations collectives que le peuple coréen a de son territoire qui en construisent les frontières, réelles ou imaginaires. Dans ces représentations, Baekdusan, lieu de mémoire, haut-lieu, semble être le symbole de la réunification: il fait un pont entre le passé et l'avenir du peuple coréen dans son ensemble, frontière contestée d'un « territoire disparu ». (une série de documentaires historiques financée par la compagnie KTF avait pour titre: « à la recherche de notre terre disparue », avec le premier épisode consacré à Baekdusan1).

a. Baekdusan comme frontière ou comme pont?
Les cartes, quel qu'en soit leur degré d'objectivité affiché, témoignent d'un « certain regard de l'homme sur le monde » (Bernard Debarbieux, Martin Vanier, 2002), elles sont d'excellents témoignages des représentations que se font les hommes de leur territoire au cours de l'histoire. Depuis les années 90, on assiste à un regain d’intérêt en Corée du Sud pour la géographie traditionnelle, discipline que l'on pourrait rapprocher du Fengshui chinois: l'espace est conçu selon l'agencement des éléments naturels, et en particulier pour la géographie traditionnelle coréenne en fonction des rivières et des montagnes. Cette géographie traditionnelle n'est pas sans lien direct avec les croyances populaires, et la conception de l'organisation du monde et de la nature héritée des cultes chamaniques, très ancrés dans la vie quotidienne des Coréens. Nous avions déjà évoqué la signification des montagnes pour ces croyances dans notre protocole 1. Ainsi les chaînes de montagne constituent l’armature de la péninsule: la plus grande, souvent comparée à la moelle épinière de la Corée, s’étend du nord, c’est-à-dire de Baekdusan (Changbaishan), au sud, à Chirisan. Ces cartes qui datent du 16ème siècle ont été utilisées par les nationalistes coréens sous l’occupation japonaise au début du 20ème siècle, en réponse à des études géologiques menées par les Japonais. Ces premières études japonaises de la géographie coréenne datent de 1904 et sont menées par le géologue Kotô. En se basant sur la constitution géologique de la péninsule, ses études scindaient la Corée en deux et ne faisaient plus paraître la continuité de la chaîne de montagne du nord au sud. Comme nous le voyons ici, la représentation du territoire par des cartes constitue un enjeu identitaire fort, elle permettait sous l’occupation japonaise de contester la vision du colonisateur et de se réapproprier son territoire. Avec l'ouverture de la Corée du sud au monde et à la géographie occidentale, ces conceptions avaient quelque peu disparues, jusqu'à réapparaître dans les années 80 et faire l'objet de nombreuses études dans les années 90. De nos jours, les chercheurs coréens (notamment Jin Jeong-Heon, 2004) expliquent le regain d’intérêt pour cette représentation du territoire (avec la réapparition sur les cartes de la chaîne de montagne du nord au sud appelée Baekdutaegan) par une revendication identitaire. Il y a d’une part cette ancienne querelle avec la Chine autour des frontières, qui datent du 18ème siècle: en 1712 en effet fut érigée une stèle au sommet de Baekdusan pour définir le tracé de la frontière entre la Chine et le royaume coréen. Toutefois, au lieu de clarifier la situation, cette stèle fait l'objet de controverses, car son interprétation, en particulier au niveau du nom des lieux, ne fait pas l'unanimité. Selon certains chercheurs coréens, donc, les inscriptions sur la stèle indiqueraient que Baekdusan dans son ensemble appartiendrait au territoire coréen. Mais derrière ce regain d'intérêt pour la géographie culturelle coréenne, il y a aussi, et c’est vers là que je souhaite diriger mes recherches, l’idée de réunification. En effet, concevoir le territoire coréen comme un tout allant de Baekdusan (dans son ensemble ou partagé) à Chirisan, c’est sous-entendre l’unification de la péninsule. Une enquête (Kang Won-Tack, 2000) menée au sujet de la montagne KumGang san qui se situe en Corée du nord et qui accueille des touristes sud-coréens dirigeait ses questions en ce sens. Il était demandé en quoi l’ouverture de cette montagne aux touristes sud-coréens pouvait améliorer les relations Nord-Sud. En ce sens donc, il est nécessaire de manier avec prudence le terme de nationalisme, car si l'utilisation de Baekdusan est de l'ordre d'une revendication nationaliste de nos jours, la nation ici serait la Corée réunifiée. Il y a en effet en Corée une très forte conscience d'appartenir à l'identité coréenne, une cohésion imaginaire de la nation (d’où la pertinence de l'idée de "communauté imaginée" pour le cas coréen, selon les termes de Benedict Anderson, 1991). Baekdusan, pris comme symbole d'un territoire réunifié, se construit aussi sur un mythe fondateur de la nation coréenne dont ont recours le Nord et le Sud, de manière officielle: le mythe de la naissance de Tan’gun, premier fondateur de la Corée, né en 2333 avant JC sur Baekdusan. C’est une tentative, pour reprendre le vocabulaire de Hobsbawn (1983) de créer une continuité historique artificielle pour effacer le traumatisme laissé par la séparation du territoire en deux. L'existence de cette légende fait de Baekdusan un haut-lieu.

b. Baekdusan comme haut-lieu et lieu de mémoire
Comme le souligne Jean-Luc Piveteau (1995), « une mémoire doit s'incarner » pour survivre dans le présent et pouvoir être réactualisée. Le territoire dans son ensemble, comme nous l'avons vu dans les parties précédentes, soutient cette mémoire collective, mais certains lieux peuvent être choisis comme symboles du territoire, et par là-même de l'identité collective: ce sont les hauts-lieux, ou lieux de mémoire. Il s'agit toutefois de distinguer haut-lieu et lieu de mémoire, ce dernier renvoyant en effet à des événements de l'histoire plus qu'à des légendes ou des mythes, comme c'est plus souvent le cas pour les hauts-lieux. Le terme « haut lieu » n'apparaît en géographie que dans les années 90 seulement avec des auteurs tels que B. Debarbieux (« Le haut lieu est un élément d’un système d’expressions territorialement matérialisées d’un système de valeurs »,1995.), P. Gentelle ou J-L. Piveteau, on pourrait en donner aussi une définition en empruntant celle que fait Bonnemaison (Voyage autour du territoire, 1981, cité par Guy Di Méo, 2002) du « géosymbole »: « un lieu, un itinéraire, une étendue qui, pour des raisons religieuses, politiques ou culturelles prend aux yeux de certains peuples et groupes ethniques, une dimension symbolique qui les conforte dans leur identité ». Le haut lieu est souvent associé à une religion ou une croyance, à une force surnaturelle que l'on attribue à un lieu naturel, ainsi, tel que leur nom l'indique, les hauts lieux sont géographiquement élevés, les montagnes en sont un exemple type. Baekdusan est donc à la fois un lieu de mémoire qui fait appel au souvenir douloureux de la séparation des deux Corées (les sud-coréens ne peuvent visiter que le côté chinois de Baekdusan) et un haut lieu sacré qui fonde l'identité coréenne.
Cette première partie nous a permis de mettre à jour le processus d'identification et d'appropriation du territoire par une série de représentations collectives qui s'inscrivaient dans la mémoire du peuple coréen. Baekdusan apparaît comme symbole, lieu et lien entre le passé et le futur de l'identité coréenne.

mardi 2 février 2010

un visiteur du Sud


Festival d'Angoulême oblige, j'ai fait un tour des BD. Et là mon oeil entraîné est tombé sur un nom qui sonnait drôlement bien coréen. Renseignements pris, j'apprends que l'auteur sera à Poitiers le lendemain. Hasard hasard, ma vie est pleine de joyeux hasards et au bout d'un moment je ne m'en étonne plus.
Ho Yeong-jin est un Sud-coréen qui a été embauché il y a dix ans en Corée du nord sur un chantier de canalisation pour superviser un peu les manoeuvres. Il avait pour tâche entre autres de vérifier la qualité des briques.Briquettes ou pas, ce jeune homme fraîchement sorti du rouleau éducatif coréen où on lui inculque la méfiance du frère maudit nord-coréen découvre un pays ma foi pas si mal, avec il est vrai des "différences culturelles" et des choses à respecter (on ne dit pas KJI mais "le soleil du 21 ème siècle" ou "le cher général"...). C'est donc il me semble un regard intéressant sur la Corée du nord d'un point de vue sud-coréen, sans de blabla politico-moralisateur sur la réunification. Le tome 2 que je n'ai pas lu raconte les péripéties de Monsieur Oh pour faire entrer en Corée du sud ses notes prises sur le terrain.
Il a aussi sorti un livre en Corée "Pyong Yang Project" qui raconte la vie quotidienne des nord-coréens. ça doit être moins drôle, je sais pas pourquoi je dis ça.....

samedi 16 janvier 2010

5 manières de voir la Lune

Zhang Dai (1597-1689) distingue cinq manières de regarder la lune sur le lac de l'ouest à la pleine lune du septième mois:
1. il y a ceux qui sont censés regarder la lune mais qui en fait ne la voient pas: c'est leur manière de regarder la lune
2. Il y a ceux qui coulent des regards à droite à gauche, la lune est au-dessus de leur tête mais ils ne la regardent pas: c'est leur manière de regarder la lune
3. Il y a ceux qui savourent lentement une coupe de vin, accompagnés en sourdine par des flûtes et des luths. Ils regardent la lune, mais désirent surtout qu'on les regarde la regarder: c'est leur manière de regarder la lune.
4. Il y a ceux qui simulent l'ivresse et improvisent des chansons. Ils regardent à la fois la lune, ceux qui la regardent et ceux qui ne la regardent pas, et en fait ils ne regardent rien: c'est leur manière de regarder la lune.
5. Enfin, il y a ceux, les bienheureux, qui sont amis, assis ensemble sous le clair de lune, et qui regardent la lune, mais comme personne ne les voit la regarder, ils n'ont pas à montrer qu'ils la regardent:c'est leur manière de regarder la lune.
 
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